Dès que les hommes ont pu évoluer dans leur espace assez librement, ils se sont structurés claniquement, c'est-à-dire socialement, après avoir répertorié les moments importants de l'existence, collective et individuelle. Après avoir calqué leurs occupations ordinaires, essentiellement centrées sur l'objectif "survie" sur des moments clés d'une année, ils ont ressenti le besoin d'honorer ces moments dans ce qu'ils avaient de grandiose ou de les remettre en scène dans leur aspect tragique. Ce qu'on appelle la fête ! Dans les sociétés traditionnelles, les fêtes scandent l'année en se basant sur le cycle du Soleil, qui fait les saisons. Elles font office d'invocation lorsqu'elles sont associées à des activités précises: la fête des semailles ou des récoltes, des vendanges, de la pêche, etc. Ceci a trait à l'activité collective. L'homme espère donner un élan favorable, grâce à cette fête, à la récolte, à la pêche, à la vendange. Lorsque la fête coïncide à un instant T d'un cycle de temps plus vaste que le temps de vie humaine, fêtes calendaires ou carnaval, elle participe à ancrer dans l'esprit de l'humanité qu'elle vit au gré de rythmes qui dépassent son entendement immédiat. Elles lui rappellent son impuissance, l'homme n'ayant aucune prise sur le temps, et en ce sens elles permettent d'exorciser les angoisses existentielles. Les fêtes solsticiales en sont un exemple, c'est la Mort et la Renaissance du Soleil qui sont évoquées, autrement dit la mort de l'homme porté à une autre octave, avec la perspective d'une renaissance possible, la sienne. Le rôle essentiel de la fête, à l'origine, est de donner un sens à l'existence, c'est pourquoi elles étaient décidées par les prêtres ou les chefs, qui avaient accès aux mystères de la Connaissance. Ainsi, grâce aux fêtes, l'homme a pu raccorder son histoire personnelle, avec ses joies et ses aléas, à une histoire plus générale, celle du Tout, avec la naissance et la mort. Ce qui est paradoxal, c'est qu'en sacralisant l'événement par un rituel festif, les hommes l'ont du même coup banalisé en l'ayant intégré à une logique des lois de la nature qui concerne tout le monde. Ceci a pour effet un soulagement psychique, l'homme ne subit plus les mystères, il peut enfin les comprendre. Jean Duvignaud, sociologue et ayant travaillé en Tunisie, et Georges Lapassade, sociologue lui aussi et premier à s'être intéressé au Rap - ce qui le rend d'autant plus sympathique -, ont écrit plusieurs ouvrages sur l'aspect bénéfique de la fête et son aspect thérapeutique. Ils démontrent qu'au fur et à mesure de l'histoire-historique, des croyances religieuses, et des activités économiques, de nouvelles fêtes sont apparues. Au départ, ce sont surtout les besoins économiques qui ont poussé les hommes à être créatifs et inventifs. Ainsi le carnaval béarnais est réapparu dans les années 80, alors qu'il était tombé en désuétude, pour redonner vie à la région, et attirer les touristes. La fête des Mères est une invention commerciale, pure et simple, pour n'en citer que deux. D'autres fêtes, qu'elles soient collectives, carnaval, danse traditionnelle, puis concert rock, jazz, rap-hip-hop,…, ou individuelles, anniversaire, naissance, obtention d'un diplôme, mariage,… donnent l'occasion à l'individu d'extérioriser son surplus de stress, d'enthousiasme, éventuellement sa révolte envers la société. La fête, considérée comme exutoire aux tensions intérieures de l'homme, a toujours existé et admise comme principe. Elle permet du coup, de renseigner la collectivité, ou les dirigeants (quand ils écoutent), sur les récriminations de tout un groupe, souvent des jeunes qui bénéficient sur un court temps d'une prescience du futur. Ils exigent d'autres données car ils savent que les présentes ne peuvent répondre à leurs besoins vitaux encore moins les satisfaire. |
©Peder Severin Krøyer 1851-1909
©Lawrence Alma Tadema - 1836-1912
©John P. Falter
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