Le violon ou l'instrument du pauvre ! Il lui a fallu un siècle pour que les grands de ce monde, s'affranchissant de l'avis de l'Eglise qui voyait en lui l'instrument du diable, donne à ce petit instrument à ses titres de noblesse. Taillé dans le bois d'érable, d'une couleur rouge-sang, il évoque la caverne dont on ne sait rien et qui nous souffle au visage ses sons mystérieux et terrifiants. La réalité cachée est dévoilée. Instrument de glisse, contrairement aux violes de l'époque, on "frotte" l'archet sur les cordes, on fait vibrer les doigts pour nuancer le son. Il renvoie à l'érotique dans sa part la plus sublime et mystique. Pulsions/Impulsions contrôlées. Son vibrato, comme pour le violoncelle, est de fait érotique, il touche le viscéral en soi, puis l'émotionnel quand on est l'auditeur. L'énergie part du bas-ventre et "glisse" jusqu'au sommet du crâne. C'est le paradoxe puisqu'il est, par sa position entre l'épaule et le menton, un instrument cérébral. Il marque une nette séparation entre la tête et le reste du corps. Aussi, du point de vue du musicien, l'énergie émotionnelle et l'érotique puisent leur source dans la tête pour être conduits au bas-ventre et au plexus solaire de l'auditeur. La verticalisation, ici, est inversée et elle part du psychique pour s'ancrer dans le corps.
Le violon est initialement la voix du peuple, du pauvre qui montre au grand jour que, lui aussi, a une âme qui tend à s'élever. La voix qui exprime douleur, gémissement, fête, joie. Une corde vibre et c'est tout un collectif qui répond. Le violon pleure ou au contraire crie avec violence ses aspirations. C'est l'âme déchirée cherchant sa transfiguration. |
Ivry Gitlis - France Inter
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