Fille d'Hypérion et sœur du Soleil, la Lune fut prise d'un chagrin si grand, lorsqu'elle sut la noyade de son frère dans le fleuve Eridan, qu'elle voulut se jeter du haut de son palais. Les dieux, émus par son amour fraternel, l'élevèrent dans le ciel, et c'est ainsi qu'elle devint l'astre de Nuit. Dès lors, elle est baptisée tour à tour Séléné, Phébé, Hécate : Séléné quand elle brille dans la nuit, Phébé sur terre, et Hécate, déesse des enfers, quand elle disparaît. Un jour (disons... une nuit), Lune/Séléné tombe amoureuse d'un bel adolescent, un berger. Elle veut le garder à elle pour toujours. Elle descend des cieux, l'embrasse et le plonge dans un sommeil éternel. "Sans un geste, immobile, à jamais, il sommeille Endymion, le berger".
Malgré sa satisfaction de pouvoir embrasser toutes les nuits son berger, elle réalise qu'elle est prise à son propre piège. Elle souffre de cet amour dont le héros n'est pas conscient. Jamais, il ne se réveille, jamais il ne sait qu'une déesse descend du ciel, toutes les nuits, et s'abaisse à lui pour le couvrir de baisers. Séléné porte encore bien d'autres noms, donnés par des poètes qui l'associent à Artémis, parce que celle-ci est sœur jumelle d'Apollon, lui-même confondu avec le Soleil. Peu importe au fond, il s'agit, ici, de comprendre que la Lune symbolise la vie inconsciente, le sommeil, la vie intérieure qui fait peur, les enfers, et l'impermanence en toute chose, apparition-disparition.
Symboliquement, depuis que l'homme leva les yeux vers cet astre si changeant, la lune figure le monde inconnu. C'est la partie subjective de la personnalité, celle que nous ne montrons pas, celle que nous ne connaissons pas nous-mêmes et qui nous surprend. Inconstante, changeante, fascinante, la lune correspond à la vie sensible, aux émotions, à l'imaginaire, à l'inconscient, au besoin de fusion, au besoin de l'Autre. C'est toute une vie qui nous habite et pourtant nous échappe. L'astre lunaire, simple reflet de l'astre solaire, assure le développement de tout ce qui vit sur Terre. Et, comme à son image, là où il y a naissance, il y a croissance, apogée, déclin. La Lune est la figure symbolique du pôle féminin, de la Mère, de l'Épouse, de la Foule, de l'idéal féminin, de la star, de l'idole...
Psychologiquement, elle signifie la relation au passé. Elle retient et rend les images qui ont marqué l'enfance, que l'on a oubliées ou voulu oublier. Elle est Mémoire, consciente et inconsciente, pensées, rêves, affections, sentiments, susceptibilité et timidité, mais aussi confusion, égarements. Son influence sur les marées n'est plus discutée, et le flux et le reflux du monde sous-marin s'accorde au flux et le reflux de la vie émotionnelle de l'homme. Elle est possession (Séléné), elle envahit subtilement chaque Être, d'où la mélancolie, le regret, la nostalgie... C'est l'astre des influences, du flegme, de la paresse, de la léthargie… C'est à la fois l'intuition et le manque de conscience, la protection et l'inconstance, la gentillesse et la nonchalance, l'immaturité et la créativité. |
Al Biruni - 973-1048 - érudit de génie qui a trouvé l'existence d'un autre existence, s'intéressait aux phases de la Lune - Ici, illustration de sa main.
©Ivan Aïvazovski - 1817-1900
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